mercredi 20 décembre 2006

Hélène Larrivé  http://larrive.blogspot.com,  voir aussi  la table des matières de l' actualité en blog  de la maison d'édition H. B. Larrive


Extraits de "Femmes d'Iran" HBL

Ce livre, non copyrighté, n'est pas comme les autres. C'est plutôt un appel, un appel au public, à tous: à Jacques Chirac comme à mon voisin. En Iran, des femmes, toutes les femmes en fait, sont en danger. Pour celles qui sont ici citées, le danger est majeur : leur exécution est imminente, l'appel a été rejeté. Cela peut être demain, dans un an, ou jamais. Mais il en est bien d'autres dont nous ignorons même les noms.

Le décousu apparent de la mise en page du texte tient à ce que les photos, parfois impressionnantes, ne sont pas passées, mais les titres, si! c'est involontaire mais tant mieux. Pour plus d'info, surfez sur "iran résist" ou "iran focus" en sachant que certains de ces sites ne sont peut-être pas fiables à 100%. Si vous voulez laisser un post ou nous envoyer un message, l'adresse email est "helene.larrive@gmail.com". Si vous voulez commander le livre, (10 E), de même. Editions HBL 06 87 55 42 13. AIDONS LES! Plus d'info sur les blogs Hélène Larrivé, cliquer à droite sur la photo pour le sommaire avec des liens.


Exergue : un SOS venu d’Iran. C’est une jeune femme de vingt-cinq ans qui nous supplie. Ecoutons la.

Je ne veux pas mourir
par Kobra Rahmanpour

«Je ne veux pas mourir. Aujourd’hui pourtant, je ne suis qu’un corps sans vie qui vit dans la crainte de la corde de l’exécution… Je suis si près de la mort, et depuis si longtemps ! (Et elle est passée si près, aussi !) Comme vous tous, j’ai peur de mourir. Je vous en prie, aidez-moi ! Faites que cette lettre ne soit pas la dernière. J’ai si souvent rêvé d’une autre vie, rêvé que j’avais pu terminer mon année pré universitaire, que je n’étais pas forcée de travailler et de servir la famille de mon mari, et que je ne perdais pas la raison de peine. J’ai tant souffert. Je suis une victime. Et c’est cette victime qu’ils vont pendre. Je ne mérite pas la corde.
Face à la peur et à l’horreur, je me tourne vers vous. Je remercie les médias, les journaux et tous ceux qui m’ont soutenue en disant : Kobra ne doit pas mourir. Aujourd’hui, et pour la dernière fois peut-être, je vous supplie de m’aider à échapper à l’exécution, à cette mort horrible. Tous les jours, je rêve de liberté… De vie. J’ai assez souffert. Aidez-moi afin que ce terrible cauchemar qui m’a si souvent poursuivie dans mon sommeil et réveillée dans les cris ne se réalise pas. Aidez-moi à échapper à la mort. Faites tout ce que vous pouvez, il me reste peu de temps. Chaque seconde qui passe me rappelle que la mort est proche. Aidez-moi, je vous en prie ! J’ai peur. Peur de la mort et de l’exécution. J’ai peur de la corde. Je veux vivre. Toutes les portes se sont fermées sur moi. Je n’ai personne… Mon seul espoir, ce sont les autres êtres humains, VOUS… tous ceux qui se battent pour me sauver, merci de tous vos efforts.»



Un pays chargé d’histoire

La légende dit que lorsqu’Alexandre, après avoir vaincu Darius, passa devant le mausolée — de modeste dimension — de Cyrus le grand, il hésita, lui, le vainqueur de Darius. Il ordonna à son lieutenant d’entrer. Et celui-ci trouva, outre des bijoux et un cercueil en or… des verres et carafes sur une table dressée ! Le grand roi savait vivre. Et, au fond, cette inscription pleine d’une sagesse hautaine qui résonne encore à travers les siècles : «Passant, je suis Cyrus le Grand, qui a donné aux Perses un Empire et j'ai régné sur l'Asie. Ne m’envie pas…»



Tombe de Cyrus le grand

L’Iran, une civilisation millénaire


On y trouve des ruines qui remontent de 4000 à 3400 ans avant notre ère, aussi anciennes que celles des Egyptiens : Suse, du royaume d’Elam, est à cette époque un important centre commercial. Les fouilles montrent un grand nombre de tablettes de comptabilité, des sceaux et même des statuettes en marbre. Elle sera par la suite, au sixième siècle avant Jésus Christ, la capitale de la Perse, avec le palais de Darius que l’on voit ici.



Ruines du palais de Darius

Palais de Darius reconstitué ;
fresques, bains et tout à l’égout… !



Quelques éléments préliminaires sur l’histoire de l’Iran


L’Iran… Trente et un siècles avant Jésus-Christ, à une époque où les celtes (les gaulois) vivent de cueillette, de chasse et s’abritent dans des huttes sommaires ou dans des grottes, le royaume d’Elam règne sur tout le moyen orient. Sa capitale est Suze, dont on voit ici les ruines encore existantes, Suze dont le niveau architectural et artistique est inégalé, supérieur même à celui des Egyptiens de la même époque. Il y a de quoi rendre modeste l’occident rude et sauvage. Barbare, pour tout dire. Et les ancêtres des Iraniens contemporains, les Perses, sont probablement un des premiers peuples à avoir inventé l’écriture. Une écriture cunéiforme d’une langue agglutinante encore indéchiffrée de nos jours, conceptuelle — comme la nôtre, à la différence des hiéroglyphes égyptiennes —: avis aux Champolions contemporains.

Nous avons certes parfois entendu parler au lycée des guerres «médiques», qui opposèrent les grecs aux perses (dits les «mèdes») et se terminèrent par la victoire d’Alexandre. Pourquoi médiques ? Parce que les grecs confondaient les perses et les mèdes, (d’où sont issus les kurdes)… les mèdes qui furent en fait, avec le royaume d’Ecbatane fondé par Déiocès au septième siècle avant notre ère, les premiers occupants de l’Iran. Au sixième siècle, ils furent soumis par Cyrus le Grand, qui épousa une princesse mède descendante de Déiocès, si bien qu’à l’époque d’Alexandre, les deux peuples sont désignés comme mèdes… «Roi des perses et des mèdes», ainsi se désignait Cyrus lui même. Quelques souvenirs demeurent encore en nous de Darius, Xerxès, Artaxerxès… Mais ils sont tronqués. Parfois tendancieux.

Car l’histoire est faite par les vainqueurs, en l’occurrence par les grecs, nos ancêtres culturels : nous ignorons en général que les perses, (les «iraniens», selon l’appellation moderne voulue par le premier Shah Pahlavi) les perses donc étaient des combattants d’une longanimité tout à fait inhabituelle vis-à-vis de leurs vaincus, le cas est rare, peut-être unique dans l’histoire, et nous sommes habitués à voir en eux une sorte d’ennemi héréditaire redoutable, certes dont la culture, remarquable, subsiste — si les textes ne sont pas lus ou se sont perdus, certains monuments demeurent — mais des ennemis tout de même. Or, contrairement à ce qui se pratiquait à l’époque chez presque tous les peuples guerriers, chez les grecs par exemple, les perses, en principe, ne massacraient pas les populations civiles des pays conquis, ni même leurs prisonniers, mais ils s’implantaient et souvent faisaient souche sur les terres annexées. C’est du reste ce qui fit leur force, leur culture et leur expansion : ils avaient compris avant les grecs qu’un peuple pouvait être inférieur militairement et supérieur culturellement et que l’anéantir revenait à se priver soi-même d’une richesse, de techniques utiles et parfois d’œuvres majeures. La réciproque est vraie : annexée tour à tour par les grecs, les arabes et les turcs, la Perse, comme la Grèce, absorba ses vainqueurs. La célèbre formule «græcia capta cœpit captorem», la Grèce vaincue a vaincu son vainqueur (c'est-à-dire Rome) vaut d’abord pour la Perse. Vaincue, elle imprégna de sa culture ses envahisseurs moins évolués… et, loin d’en être amoindrie, elle rayonna à travers eux. Alexandre lui-même, impitoyable massacreur de peuples (et élève d’Aristote), s’en inspira ensuite et se fondit dans les pays annexés, y compris en Perse, sans toutefois manifester la même magnanimité que Darius : il détruisit Persépolis, massacra les hommes… mais non les femmes qu’il traita convenablement (!) et épousa lui aussi une princesse perse ! Comme Cyrus le Grand en somme, qu’il admirait, qui s’était uni avec une princesse mède après avoir vaincu la Médie.

Si bien que malgré sa défaite finale, les traces demeurent encore de la culture grecque ou plutôt gréco perse partout dans le moyen orient. Ce principe tout nouveau, respecter, s’inspirer, s’implanter, et non détruire et massacrer, c’est des perses qu’Alexandre l’a tiré… et appliqué, mais d’une manière inconstante, au feeling dirions nous.
Résumons-nous, pour simplifier : les barbares, c’étaient les grecs, nos ancêtres culturels, contrairement à ce que l’on nous enseigne. Et non les perses ni les mèdes. Qui devinrent également nos ancêtres culturels par Alexandre interposé.

Et à présent ! Etre femme, un crime

Or, contrairement à une autre idée reçue, l’histoire ne progresse pas, ou du moins, les hommes, bien au contraire : c’est ce même pays qui à présent semble revenu, même pas au moyen âge, mais à un état de barbarie qui ne peut être comparable qu’à celle des nazis, toujours inégalés cependant. Un peuple de musiciens et de philosophes cependant… C’est ce même pays qui se livre actuellement à un véritable gynocide, de surcroît public et militant, et/ou à des actes de représailles atroces contre la moitié de sa population, (entre autre). Représailles ? Le mot est inadéquat. Des représailles, en temps de guerre, punissent des rebelles pour des actes d’insoumission clairs, nuisibles à l’occupant et réellement commis, quoique parfois seulement symboliques, même si en général elles sont démesurées.

Or ici, le seul «crime» qui vaut pendaison, lapidation etc… est d’être femme. C’est pourquoi j’emploie le terme de gynocide. La définition d’ Elie Wiesel du génocide, «tuer quelqu’un parce qu’il est né» est ici tout à fait appropriée. Il s’agit de tuer quelqu’un pour RIEN, pour sa seule appartenance à un groupe ou ici à un genre déterminé. C'est-à-dire parce qu’on a déjà décidé de le supprimer, — le tuer parce qu’il est né, parce qu’il est de trop — et qu’il n’est de toutes manières qu’en sursis, même lorsqu’on le laisse provisoirement en vie. Cela commence par des mesures discriminatoires «légères», burlesques mais humiliantes, symboliques, qui rappellent sans cesse à la victime qu’elle est coupable d’être, qu’elle est en sursis : une étoile jaune, un vêtement particulier, une interdiction de certains lieux, l’apartheid… Si rien ne se passe, si personne n’élève la voix, la mort vient ensuite et très vite : elle est déjà en germe dans la discrimination, la relégation, la dissimulation, la honte. 0n ne veut pas voir. On cache : cela donne le ghetto, les murs, les maisons closes, (au sens littéral), la prison, et le voile. Et pour être sûr de ne plus voir, on tue. C’est radical.

C’est la situation des femmes en Iran : elle est a priori celle de délinquantes ou de criminelles présumées, et à tout instant. Dans la vie quotidienne, être femme c’est être une prévenue au sens juridique du terme, prévenue pour un crime potentiel relié au seul fait d’être femme, un crime qui doit être examiné de la manière la plus tatillonne, la plus obsessionnelle qui soit, parfois jusqu’au comique. Une mise en examen inquiétante, suspecte, lourde et affouillante, qui concerne tout les gestes des suspectes, y compris ceux de leur vie personnelle la plus intime, livrée en pâture aux tribunaux dans tous ses états. C’est même très exactement cette vie intime qui est systématiquement désignée à l’examen, d’une manière indécente et hautement suspecte. Sous prétexte de «pudeur», de chasteté, de «pureté», dans ces tribunaux dits islamiques, on ne parle que de «ça». De sexe et presqu’exclusivement de cela ! Les histoires de ces femmes condamnées à mort sont significatives : leur point commun est le sexe, leur vie sexuelle, toujours. On éprouve presque de la gêne à plonger dans de tels récits. Amoureux ? Pas toujours, même pas. Parfois, peut-être, mais ils sont de toutes manières rendus sordides par cet étalage intempestif de détails triviaux… On a l’impression de regarder par le trou d’une serrure, une chambre à coucher. D’être des voyeurs. Car tout cela ne nous regarde pas, pas plus nous que les tribunaux. Il faut pourtant écouter, ne serait-ce que pour révoquer en doute les chefs d’inculpation souvent courtelinesques.

En me relisant, je suis même gênée. Je crois parcourir chez le dentiste un magazine people peu inventif. Un tel était-il bien l’amant d’une telle ? Pas sûr. Il était avec elle, mais… sa voiture était en panne (!) Oui mais justement, le mari était en voyage. Et alors ? On se fait avocate, certes d’une juste cause, mais aussi on se laisse obligatoirement entraîner sur un terrain visqueux.

La pudeur, justement, parlons en ! le sens des convenances, la discrétion, la simple politesse, appelons le comme on voudra… si on s’y soumettait, mais là on ne le peut pas, devraient normalement nous interdire de nous pencher sur de tels récits, strictement personnels. Parfois dérisoires. On a honte pour ces femmes et pour nous : même au cas où elles seront sauvées — et il faut penser qu’elles le seront — comment vivront-elles ensuite cet étalage pérenne et misérable de leur sexualité ? Tout y passe, et en public : leur défloration (ou non défloration), leur consentement amoureux (ou leur viol), leur vie conjugale, leurs frustrations sexuelles, leurs révoltes contre des pratiques imposées par un homme, ou des hommes… et le détail de celles-ci. Et il leur faut se dévoiler (quel symbole !) puisque cela peut parfois les sauver. N’est-ce pas une forme de viol pourtant que de leur imposer longuement, avec dirait-on parfois, un certain sadisme délectant, ces inquisitions, ces questions immondes ? Et puis, il y a parfois aussi les articles qui relatent, qui répercutent l’information, et c’est tant mieux, mais… Tout le monde saura, et il le faut, que le mari de… mettons X., lui imposait des pratiques sexuelles perverses et dégradantes, et lesquelles… et encore, attention : il lui faut pouvoir prouver qu’elle a été contrainte, sinon elle sera également condamnée pour complicité… Même ceux qui les défendent doivent se plonger dans cet étalage nauséabond, dans ces «viols par langage interposé», viols par dévoilement. Surprenant : dans ces tribunaux dits islamiques, la délicatesse n’est pas de mise, pour les attendus comme pour la défense. Car c’est justement la dénonciation des funestes et pénibles exigences de tel triste sire qui peut-être sauvera sa femme condamnée à mort. Peut-être. Pas sûr. Mais dans l’espoir, on ne peut pas faire la fine bouche, il faut y aller franco. Tant pis pour la pudeur de la malheureuse. Je n’ai jamais autant employé les mots de sodomie, fellation etc…. — supprimés à la relecture — que dans ce texte… et j’écris beaucoup cependant. Mon ordinateur me proposa Somalie, Samarie et Fellagha ou Félin… avant de les enregistrer dans le dictionnaire.

Parfois, on frôle le comique. L’exemple des femmes coureur automobile — ou parachutistes ?— nous le verrons en conclusion. Le voile rend-il ces activités compatibles avec la tenue islamique ? Oui, selon les colombes — et il y en a beaucoup, il faut prendre garde à ne pas pratiquer d’amalgame, certains mollah sont même incarcérés — sans problème : le Coran n’a rien précisé sur ce point. Les femmes peuvent courir (en voiture s’entend). Les faucons rétorquent avec un zeste de logique que le risque (de se découvrir, évidemment, pas de s’écraser, ce qui est tout à fait secondaire) est majeur. Entre les deux extrêmes, il y a place pour la glose : le casque peut-il remplacer le voile (aïe) ? Il cache les cheveux tout aussi bien et même mieux qu’un tissu. Et la visière, le visage. Donc tout va bien. Mais… ce n’est pas prévu. Cependant, à cinq cent mètres d’altitude ou à deux cent à l’heure, il n’y a pas grand monde sauf les anges pour zieuter etc... Les suggestions originales et les commentaires sont infinis. Les femmes posent toujours des problèmes, comme le dira naïvement le président de la ligue de course automobile.

On peut sourire mais qu’on ne s’y trompe pas : il s’agit ni plus ni moins de les gommer symboliquement ou physiquement de la surface de la terre ou du pays. Le vêtement même qui leur est imposé en fait des être uniformes et informes, sombres, parfois hideux voire inquiétants, et aussi des handicapées. Comme des prisonniers, comme les juifs, il les désigne, ostensiblement, et de loin : si, dans une foule, on ne peut de prime abord distinguer les sexes, ici, au contraire, ils sont pointés avec une évidence quasi obscène. Cette masse noire et confuse fait partie des juifs. Cela aboutit à l’inverse de ce qui est voulu : elles attirent le regard. Soi disant cachées, elles sont au contraire ostensiblement désignées comme des bagnardes, des criminelles évadées.

D’autre part, comment marcher, tenir un sac, un paquet, se servir seulement de ses mains lorsqu’on est ensaché comme un poulet de supermarché ? Récemment, en Irak, pendant une procession religieuse, lors de l’effondrement d’un pont, a-t-on observé que la plupart des morts, nombreux, étaient des mortes (et des tout petits) ? Des mortes qui n’avaient pu, ni courir, ni protéger leurs enfants, ni nager lorsqu’elles furent précipitées dans la rivière, la lourde étoffe les couvrant de la tête aux pieds les ayant entravées, et, lorsqu’elles furent à l’eau, entraînées par le fond. Un symbole significatif : le voile les a fait couler à pic. Il fut criminel. A-t-on pensé à la fournaise qu’est l’Iran, l’été, et au supplice que représentent ces couvertures qui étouffent, dans tous les sens du terme ?

Le sexe, le sexe, toujours le sexe

Tout en Iran, pour les femmes, est prétexte à répression, parfois à meurtre et à torture : un vêtement mal ajusté, un manteau trop cintré, des cheveux qui s’échappent : soixante coups de fouet, parfois. On ne s’en remet pas. C’est une situation de guerre qu’elles vivent quotidiennement, c’est le hasard, la chance, si l’on peut dire qui en fait parfois des rescapées : cela peut passer… ou non. Et en ce cas, c’est la torture ou la mort. Etre jolie ou élégamment vêtue constitue un acte de bravoure. Ces femmes, sur les photos, qui manifestent, sourient parfois, sortant — presque — normalement habillées, le haut de la tête un peu découvert, quelques cheveux visibles, avec par exemple un imperméable serré à la taille — élégantes, en somme — risquent soixante coups de fouet : c’est un acte d’héroïsme que de seulement marcher ainsi. Que d’être simplement jolie. Sous les sourires, il y a la peur, la peur qui ne s’avoue pas car la vie est ainsi : en temps de guerre, on s’amuse aussi, on brave la camarde. C’est la seule manière de résister. Au Liban, pendant que tonnait le canon, des élégant/es, à Beyrouth, sur la plage, se doraient au soleil, étendu/es sur des transats. La vie continue. Se maintient malgré tout. Il le faut.

Ce qui frappe en effet de prime abord chez ces femmes (et aussi chez ces hommes)… même si cela paraît secondaire voire même peu correct politiquement, est la beauté. Elles, ils sont en général remarquables (et je n’ai pas choisi.) Le fait est, (discutable, il est vrai) que cela a l’air de rendre leur sort encore plus pathétique : il n’en est rien, évidemment : la mort de Payam Amini n’en serait pas moins atroce et injuste s’il n’avait ce beau visage de Brando persan. Et cependant, les médias, souvent friands de sensation, pour la plupart, les ignorent, si photogéniques fussent-ils ; même Nazanin, la plus connue de ces femmes en danger dont nous allons relater l’histoire, ces femmes condamnées à une mort atroce, Nazanin n’a dû sa notoriété qu’à un improbable hasard : elle porte le même prénom qu’une miss monde irano canadienne qui s’est émue de son sort. Il est dommage que toutes ces femmes ne portent pas des noms connus ! Si seulement les célébrités, fussent-elle de la mode ou du showbiz, se sentaient aussi concernées que Nazanin ! A quoi tient la vie, en Iran, pour les femmes ? A un fil. Un fil ténu et fragile.

C’est bien un gynocide qui se déroule sous nos yeux dont nous allons citer quelques noms et histoires emblématiques, sachant que ceci n’est que le haut de l’iceberg… un gynocide qui a lieu à quelques heures d’avion de chez nous, dans une quasi indifférence. Certes, Amnesty International, des mouvements des droits de l’homme, des iranien/nes dissident/es, le conseil national de la résistance iranienne, avec un courage qu’il faut saluer, quelques femmes isolées ou en groupe, célèbres ou non (Elizabeth Badinter notamment)… se sont mobilisé/es et protestent… mais leur cri est si lointain, si peu relayé et parfois même si étouffé — des aléas politiques ? La raison d’état et du pétrole ? — que, malgré la détermination de ceux et celles qui nous alertent, il ne porte pas : pas suffisamment en tout cas. Car dans la culture de l’image et des médias qui est nôtre, le nombre seul peut peser. Plus nous serons nombreux/ses à crier, plus nous serons entendu/es. Ce texte est peu de chose en effet : une bouteille à la mer (mais il arrive qu’elle soit reçue), une boule de neige qui grossit à chaque tour, une manière un peu volontariste de se tenir debout, de refuser l’horreur. Pour l’honneur, en somme, mais pris dans un tout autre sens cette fois.

Après 40, beaucoup, au sujet des juifs, ont dit : «je ne savais pas». Cela pouvait être vrai, ou du moins à demi vrai. Peut-être n’ont-ils pas trop cherché. Car savoir, c’est être obligé d’agir. Avec tous les risques que cela comporte. Or bizarrement, certains savaient : Gustave Nouvel, dans «Les lettres à Lydie» fait une allusion claire au sort de juifs dans les camps, en 43. Il n’en dit pas plus car il parle à Lydie, (qui est aussi ma mère) et qu’elle aussi sait. Ecoutons-la : «nous ne savions pas tout, c’est vrai, nous ignorions que c’était à ce point, mais nous avions suffisamment d’informations tout de même pour agir et vite. Lorsqu’un char est embourbé, il y ceux qui passent leur chemin, ceux qui le regardent distraitement, par curiosité parfois, et ceux qui descendent dans la boue, se salissent et poussent, à la mesure de leurs forces. Ce sont ceux-là qui, tous ensemble, finissent tout de même par le tirer.» Non, ils ne savaient certes pas toute l’horreur des camps, mais une partie tout de même, et cela a suffit pour qu’ils fassent «quelque chose» (si peu que ce soit) y compris au risque de leur vie. Gustave est mort sous la torture le 9 juin 44, juste après le débarquement. Il aimait Lydie et voulait un enfant d’elle : elle lui avait assuré en matière de plaisanterie qu’elle ne consentirait que je jour du débarquement, lorsque les nazis seraient définitivement chassés. Avant, pas question. Cet enfant, c’aurait dû être moi. Donc ils savaient.

Mais de nos jours, à l’époque d’Internet de la wifi et des portables, on ne peut plus dire qu’on ne savait pas. La mauvaise foi est flagrante. Un clic suffit à s’informer, comme dit la publicité et c’est vrai. Ce passage, du reste, est écrit… dans un village des Cévennes isolé qui comprend tout au plus cinq cent habitants l’hiver… et où l’on peut parfois être en panne de téléphone durant deux jours sans que cela n’émeuve personne… à la terrasse du seul café ouvert à partir de huit heures du soir, parmi des hommes qui, devant des bières, scotchés à la télé, regardent un match de foot, et hurlent parfois tous ensemble lorsque quelque chose se passe… sur le terrain. Et dont certains, ou leurs femmes, vont tout de même acheter le livre lorsqu’il sera achevé d’imprimer.

Si on peut, on doit savoir. Et cela nous confère une responsabilité : dénoncer, agir, diffuser, faire cesser ou tout mettre en œuvre pour y parvenir. Le pouvoir iranien ne s’y trompait pas : jusqu’à récemment, la possession d’un modem était passible d’arrestation, et on va voir ce que cela signifie. Que soient ici salués les éditeurs, les artistes, les galeristes, les photographes et vidéastes, les hackers, tous ceux qui osent agir, qui ne se limitent pas à ce qui est immédiatement vendeur, à ce qui est joli, agréable à lire ou à regarder sans arrière pensée. Qui à leur manière luttent contre le gynocide. Ce texte n’est certes pas agréable à lire et les photos sont parfois irregardables, il faut le dire d’emblée. Et c’est justement la raison pour laquelle il faut le lire, le donner, en parler. Il m’est arrivé lorsque je me relisais de fermer les yeux à demi pour éviter certaines images qui défilaient inexorablement. De me demander si je devais les laisser. Je l’ai fait : c’est précisément parce qu’elle sont irregardables qu’il faut les faire voir.

En Iran et dans d’autres pays — il s’agit ici de l’Iran mais au fur et à mesure qu’on plonge dans une recherche de ce type, on découvre de plus en plus la partie immergée de l’iceberg et il faudrait en fait écrire davantage sur le sujet — en Iran donc, choisi comme paradigme, les femmes subissent une répression inégalée dans l’histoire, même lors des périodes les plus sombres, et les plus lointaines, même durant le haut moyen âge

Leur crime ? Etre femme, nous l’avons vu. C’est d’une simplicité biblique, si j’ose dire. Le prétexte ? Leur vie sexuelle, toujours. Y compris lorsqu’ elles ont été violées ; elles n’avaient qu’à… Yavéka. Ne pas être provocantes, se vêtir plus chastement, ne pas sortir… Or, chose étonnante, l’obligation de voile n’existe pas dans le Coran, j’entends le Coran proprement dit car il s’y est rajouté des Hadiths, c'est-à-dire des commentaires de toutes sortes, voire des commentaires de commentaires, qui ont parfois infléchi le texte originel et fait force de loi. A tort. De même, la lapidation.


Un peu, très peu de théorie. Le Coran

Certes le Coran, comme la Bible, est violent et parfois misogyne : mais pas plus que l'Ancien Testament, voire certains passages du Nouveau, pas plus que beaucoup de textes religieux... Et même, disons le tout net, plutôt moins. Car il contient aussi des passages, nombreux qui prônent la paix, le pardon et la miséricorde, au nom d’Allah. Mais dans les pays musulmans, il a plus ou moins force de loi, ce que n’a plus la Bible en France depuis la séparation de l'église et de l'état.

Or, à aucun moment la lapidation n’y est mentionnée ! On peut chercher, tourner les pages. RIEN, sur ce point. Il est étonnant d’observer que la manipulation (voire l’interpolation tendancieuse du texte) est le fait de deux bords idéologiques diamétralement opposés: d’un coté, il s’agit d’intégristes musulmans fanatiques qui justifient ainsi leurs pratiques, et de l’autre, d’anti musulmans prosélytes qui chargent l’Islam pour achalander leur fond de commerce : péjorer le texte, le dramatiser, le trahir même, nourrit les deux extrêmes. Pas plus de lapidation dans le Coran donc que de beurre en branche : Mohamed, venu récemment il est vrai, n’était pas un barbare.

Ceci étant, en revanche, la flagellation ou des châtiments, souvent pour blasphème, comme dans la Bible — voir l’évangile de Mathieu — y sont bel et bien ordonnés, ou fortement suggérés, vis-à-vis des blasphémateurs, et surtout des infidèles… — Doit-on préciser ce qu’étaient les châtiments ordonnés par les romains et les grecs, nos ancêtres ? Les plus effroyables qui soient. La mise en croix des spartakistes tout au long de la voie appienne, sur des kilomètres ? Les guerres de religion ? — ¬Mais l’islam est tolérant (mais oui !) et d’un prosélytisme à nul autre pareil, ce que n’est pas le judaïsme : le peuple élu, fermé sur lui-même, n’accepte pas ou mal la conversion. Le christianisme se situerait entre les deux. Il est, disons, modérément prosélyte : pour être accepté comme converti, sauf urgence, il faut tout de même étudier, un peu. Pour ce qui est le l’Islam, une phrase prononcée suffit à faire de vous un musulman bon teint… ce que je dois être plus de cent fois, l’ayant, au Maroc, dite et redite tous les jours pour faire plaisir aux gamins embusqués qui faisaient la chasse aux touristes et comptaient les «points» qu’ils avaient récoltés. Un concours de sauvetage de gaours, sans doute, initié par quelqu’imam soucieux d’occuper ses ouailles le mercredi ? Or, dès que vous êtres converti, vous faites immédiatement partie des fidèles et la loi qui vous est appliquée alors est tout à fait différente. Sauver sa peau dans l’Islam, fût-ce au prix d’un léger parjure, est donc aisé. On ne vous demande pas qui vous êtes, on ne fait aucun cas de votre couleur ni même de votre sexe, on vous «accueille» à chaque fois avec le même sourire et les mêmes applaudissements joyeux. Cela explique que les noirs américains descendants d’esclaves, ou certains intouchables indous voués par l’abject système des castes à une éternelle déréliction aient choisi l’Islam comme religion : cela les affranchissait automatiquement : tous les fidèles sont égaux devant Allah. Et toc.

Mais les châtiments existent en effet dans le Coran, y compris vis à vis des «femmes adultères» (et des hommes, cependant mieux traités). Il s’agit, non de lapidation mais de l’incarcération à vie et de coups, sans précision… sauf, sauf… sauf si elles/ils se repentent, auquel cas il faut leur pardonner car Allah est miséricordieux… Alors ? Le livre saint, il est vrai, comprend aussi des appels guerriers au meurtre : comme la Bible, ni plus ni moins. Avec promesse de Paradis éternel pour les héros qui ont bien combattu, c’est exact… comme la Bible, toujours, qui cependant voit plutôt le Paradis comme un champ de nuages ensoleillés sur fond de ciel bleu, avec tous les amis souriants installés autour de vous, chacun sur son cumulus, comme dans un salon conforama. Paradoxalement, c’est l’Islam qui ici rend une sorte de culte au quotidien, au corps et au plaisir : la récompense est d’ordre sexuel. Ce sont les fameuses houris. Attention aux difficultés de traduction toutefois et avis aux kamikazes vocatifs : des érudits malicieux traduisent parfois le terme arabe par… grappe de raisin. Bon, de toutes façons, on est dans l’ordre d’un plaisir physique, certes, mais pour une grappe de raisin, avouons le, il n’y a vraiment pas de quoi lever les couleurs.

Reste que la ou plutôt les preuves de l’adultère exigées dans le Coran sont quasiment impossible à réunir : il faut quatre témoins hommes — huit s’il s’agit de femmes car il est bien connu biologiquement que leur vision est déficiente pour moitié par rapport à celle des mâles — et des témoins visuels de l’acte lui-même, qui en attesteront sur leur salut… ce qui, avouons le, ne doit pas se trouver sous les sabots d’un cheval, ce genre de scrabble, ici comme ailleurs, se pratiquant essentiellement à deux et en privé. En somme, si on suivait à la lettre les prescriptions du Coran, les femmes et les hommes infidèles auraient peu à redouter de la justice d’Allah. Il n’en va pas de même dans la Bible, puisque la charge de la preuve semble là, bel et bien incomber à l’accusé/e et non à l’accusateur (parfois il s’agit même d’une simple rumeur). Il est vrai que le Christ a, au cours de sa célèbre jurisprudence, rendu obsolète le châtiment coutumier, la lapidation, normalement prévue par la loi juive dans la Torah — c'est-à-dire l’ancien testament des chrétiens —… Ne critiquons donc pas trop le Coran, ou pondérons : la Bible sur ce point est plus violente encore.

De la même façon, l’obligation du port du voile sur les cheveux se trouve bien… dans la Bible (Paul) mais non dans le Coran ; il y a seulement un bref passage sujet à caution dans lequel il est dit que les femmes doivent se voiler… la poitrine. Que les bédouines avant l’Hégire — ou les prostituées dit-on, c'est-à-dire les femmes répudiées qui n’avaient pas d’autre ressource pour survivre — aient eu pour habitude d’aller les seins nus semble en effet plus que probable, c’était le cas pour toutes et dans toute l’Afrique. Et alors ? L’interdit, quoique gênant, n’a tout de même rien à voir avec ce que certains en ont a fait par la suite (foulard, tchador, burqua etc…) Actuellement, en occident non plus, il n’est pas autorisé d’aller seins nus, encore que finalement je n’en sache rien, il me faudra essayer cet été afin de vérifier : exiger de Mohamed au VIème siècle plus de tolérance que nos propres lois ne nous en accordent pour l’heure est petit, voire tendancieux. Le prophète était contre le monokini ? Soit, c’est regrettable mais enfin, à son époque, il est pardonnable.

Et surtout il faut resituer le livre dans son contexte : dans l’Arabie pré islamique, les tribus bédouines qui se massacraient régulièrement entre elles vivaient dans un environnement hostile une existence rude qui en général finissait vers trente ans. Leurs mœurs étaient effroyables, certes : comme celles de tout peuple contraint de survivre dans de telles conditions. Mohamed s’était donné pour tâche de les civiliser ou au moins d’ériger une loi pérenne qui interdît et/ou adoucît leurs pratiques. C’est le sens premier — et à la limite sociologique et pratique — du Coran, qui se présente, à la différence de la Bible, comme un recueil de préceptes, de lois, de recommandations concrètes, colligés méthodiquement, contre le droit coutumier inhumain et variable des tribus. De fait, il a assoupli et/ou même interdit les terribles pratiques de l’époque : par exemple l’assassinat des petites filles en surnombre, enterrées vives (au point qu’ «enterrer vive sa fille», en arabe, se dit en un seul mot.) Et il a fait obligation aux pères de faire hériter leurs filles, certes de la moitié de la part des garçons, mais c’était mieux que rien. De même, il a ordonné un nombre limité d’épouses, deux, trois ou quatre au maximum précise-t-il (il est vrai que les concubines, des captives de guerre, sont au contraire en nombre illimité mais «doivent être bien traitées» sans précision)… quatre femmes, soit, mais, ajoute la sourate, à condition que le mari puisse assurer leur entretien et les traiter également, équitablement, toutes… ce qui, plus loin, est reconnu comme impossible ! Alors ? Le pragmatisme, toujours : quel homme en effet peut se vanter de satisfaire quatre femmes ? L’histoire ne le dit pas, mais il est plus loin recommandé, pour éviter les problèmes que poseront inévitablement les délaissées, (appelées les orphelines) de n’en prendre qu’une. C’est une question de sagesse et de modération.

De même, il pose la base de quelques lois civiles et économiques plus justes. Par exemple, celles relatives au divorce : au cas où le mari répudierait la femme (une seule phrase suffit, pas de formalité) il impose à celui-ci de lui verser un douaire : une sorte d’indemnité compensatoire comparable à celle que perçoivent de nos jours les femmes riches n’ayant peu ou pas de ressources personnelles, dont le mari bénéficie au contraire d’un train de vie important… A l’époque où il semblait naturel de chasser dans le désert une femme usée, revendicative ou dont on était lassé, (la Bible ne s’émeut guère de la situation, souvenons-vous d’Agar et d’Ismaël)… pour convoler avec une adolescente fraîche et pure, c’était faire montre d’un humanisme certain et d’un sens de la prévention. Car les malheureuses répudiées, autrefois, ne pouvaient survivre qu’en se prostituant. Réciproquement, Mohamed recommande de ne pas empêcher de partir une épouse qui le désirerait, et ce, avec son dû (son douaire.) Le divorce n’est donc pas seulement le fait de l’homme mais il peut être aussi issu de la volonté de la femme. Et l’homme, alors, ne peut s’y opposer. La sagesse, toujours : on ne garde pas de force une femme qui ne le désire pas ou plus. On comprend mieux dès lors la recommandation faite aux croyants de ne prendre qu’une femme s’ils craignent de ne pas être équitables : si une épouse, voire deux, frustrées, décident alors de divorcer, l’homme devra consentir… et payer. Le mariage multiple coûte cher.

Mohamed a su prévoir un frein pour l’homme trop déluré, lui qui aimait lui-même les femmes et les très jeunes filles… On le lui reproche. Mais là aussi, la coutume était pérenne et, étant donné l’extrême brièveté de la vie, les choses allaient vite : les «enfants» de l’époque n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. Une fille de treize ans, à condition qu’elle fût nubile (restriction posée par le Coran), était déjà une jeune femme prête à marier… Et Aïcha, puisqu’il s’agit d’elle, semble avoir été la plus amoureuse des femmes de Mohamed, et vice versa. On ne peut pas dire qu’il la retint de force ni que ce mariage contesté fut contraint, tant s’en faut.

Or, quel frein imaginer contre les «abus» sexuels DES HOMMES, fussent-ils conjugaux ? L’argent, toujours. Un frein dont l’efficacité est largement prouvée de tout temps. Mohamed semble sur ce point aussi pragmatique qu’un avocat américain. L’argent, en effet, représente le seul garant pour les femmes de la misère en cas de répudiation ou de divorce volontaire… c’est aussi une mise en garde pour les hommes qui auraient les yeux plus gros que… disons le ventre. Observons que cette inhabituelle préoccupation des femmes, de leur bien être, de leur jouissance physique même, si on lit entre les lignes, est tout à fait remarquable. Mohamed semble avoir compris que pour que tout aille bien dans un couple, il ne fallait pas que l’épouse soit forcée. Evident? Non. Comparons. Au dix-neuvième siècle, le fameux "ferme les yeux et pense à l’Angleterre" constituait l'unique et peu folâtre "avertissement" donné aux filles par leurs mères à la veille de leurs noces, sage précaution pour qu'elles consentent à... l'inévitable, si elles voulaient avoir la joie de devenir mères. Il arrivait trop souvent que le mari ne fût giflé et finisse sa nuit sur un fauteuil. Ce qui est logique.

Que lui reprocher ? En replaçant le livre dans son contexte, même si par la suite l’effet pervers de ses interdits fut que des femmes furent plus souvent assassinées — cela revenait moins cher que de les répudier — et parfois obligées de se voiler — car en se mariant selon leur gré, elles risquaient de diminuer la richesse de la famille puisqu’elles héritaient — il n’en demeure pas moins qu’il demeure malgré tout, à l’origine, un texte «modéré» dont l’effet civilisateur sur les tribus arabes fut réel. Comme la Bible, qui par bien des points, nous venons de le voir, est bien plus violente encore.


Et la pratique !

Elle est toute autre. Je viens de voir le film sur la lapidation. Insoutenable, on peut fermer les yeux mais pas les oreilles. Une ambiance festive de corrida, de match de foot, de féria, ces cris répétés Allah Akbar… et … le reste. La question que je pose est celle-ci : QUI sont les tueurs ? Comment sont-ils recrutés ? Spontanément ? Sont-ils drogués ? D’autre part, les images de la jeune femme sont-elles réelles ou reconstituées ? Je crois que je préfère ne pas avoir de réponse.











Femmes d’Iran
Hélène Larrivé





N’oublions pas….

« Le bourreau tue deux fois, la première, c’est sa faute, la seconde, par l’oubli, et c’est la nôtre. » Elie Wiesel



On va ici voir l’histoire, pour ce qu’on en connaît, de quelques femmes dont certaines, au début du texte, sont mortes, lapidées ou pendues, pour «crime» d’adultère, dit «attitude incompatible avec la chasteté»… puis d’autres, plus loin, encore en vie ou qu’il faut supposer telles, détenues et souvent en instance d’exécution parfois depuis des années. Car les tribunaux iraniens ont la particularité rare de condamner à des peines incompressibles et diverses, et ceci à la suite : par exemple à des coups de fouet ET à des années de prison ET à la peine de mort, soit par lapidation soit par pendaison, subies logiquement dans l’ordre. On ne fait l’économie de rien. Une libération anticipée qui en principe réjouit n’importe quel détenu, là bas, est au contraire, souvent, de très funeste augure : cela signifie l’exécution aura lieu sous peu. A toute chose malheur est bon : ces femmes n’ayant pas purgé leur peine de prison, ne sont donc pas encore exécutées ! Mais elles sont en danger immédiat, absolu. «Femme» est parfois impropre car certaines ont treize ou seize ans.

Pour les premières, il est trop tard mais il est important de les citer tout de même. Afin que leur nom fasse trace. Mais pour les autres, on peut encore agir et on le doit. Il faut aussi savoir aussi que celles qui sont citées ici ont eu, si le mot peut avoir un sens, une chance relative car on connaît leur nom, leur histoire. Des mouvements comme Amnesty, la ligue des droits de l’homme, des groupes dissidents iraniens, le conseil national de la résistance iranienne notamment, des associations féministes et même des stars du showbiz les ont pointées, sont parfois allés sur place, ont enquêté, autant que faire se peut, et ont déjà alerté les médias, si peu que ce soit. Mais il faut faire suivre, relayer, ne pas lâcher prise.

Ne nous laissons pas aller à la lassitude : c’est justement sur cela que comptent les faucons du pouvoir iranien. Leurs noms paraissent difficiles à retenir ? Retenons les tout de même. Il faut souligner qu’elles ne représentent qu’une partie des femmes en danger en Iran. Nous ne savons rien des autres, surtout pour ce qui concerne les kurdes, qui souvent ne parlent pas le farsi et n’ont pas d’identité.

Les histoires certes sont à la fois terrifiantes et monotones, parfois burlesques malgré tout. Elles se ressemblent souvent : mais ça ne fait rien, ne quittons pas la lecture : c’est la vie d’une femme peut-être qui est au bout de cette litanie. Lorsque je les ai colligées méthodiquement, il m’est arrivé de me tromper, d’en oublier ou d’en confondre (les deux Fatemeh notamment). J’ai repris et re repris en me disant à chaque fois que si j’en oubliais une, une seule, si je me trompais seulement sur son nom, le risque de mourir pour elle était accru. Tout commence en effet par le nom. Nommer, c’est créer, disent les linguistes. C’est aussi sauver.

La fin du texte rend hommage à quelques femmes journalistes et à toutes celles qui luttent, qui se tiennent debout malgré tout. Certaines (Zahra Kazemi) sont mortes, d’autres, comme Roya Toloui, rescapées de la torture, se remettent, mal, de ce qu’elles ont subi dans les prisons. Que soient ici remerciés les militants d’iran-resist, d’iran-focus, des mouvements dissidents, féministes, kurdes, qui par leur travail de fourmi quotidien et malgré les risques qu’ils courent s’ils sont sur place, entrouvrent une fenêtre sur cet univers qui sans eux serait encore plus sombre car totalement inconnu. Ainsi que les journaux iraniens qui sont pour une part importante à la source de ces informations. Oui, malgré tout. Et à Elizabeth Badinter.


Pour elles, il est trop tard

Une Antigone iranienne +

Atefeh Rababi, (photo), une adolescente de 16 ans, a été pendue à une grue le 15 août 2004 à Neka, au nord de l'Iran… pour des actes jugés «contraires à la chasteté». Cette jeune fille, mélange de Cosette et d’Antigone, durant sa courte vie, eut tout de même la force et l’héroïsme inouïs de se révolter contre le sort fait aux femmes dans la république islamique. Que l’on en juge : son père, héroïnomane, quitta sa mère avant même sa naissance et celle-ci mourut peu après. L’orpheline fut élevée par des grands-parents très pauvres et déjà âgés de soixante-dix ans… peut-être un peu livrée à elle-même, par la force des choses ? Très vite, ce fut le petite qui dut les prendre charge : ménage, cuisine, commissions…Ses camarades de classe la décrivent comme intelligente, débrouillarde, romanesque et rebelle. Il est probable que son isolement familial et social, —ni père ni frère ni même famille proche… — sa beauté et sa relative «liberté de mœurs» — ceci est à pondérer car dans la république des mollahs, cela peut simplement signifier qu’elle n’attachait pas son voile tout à fait conformément aux préceptes voire qu’elle sortait le soir, ne serait-ce que pour vider la poubelle — … en fit une proie facile et enviée pour des tyranneaux de province, notables, chefs miliciens, voire mollahs. On croit relire «Les misérables». Elle fut arrêtée pour «attitude incompatible avec la chasteté» et en prison, livrée à des viols successifs de la part de l’un (ou de plusieurs) d’entre eux. Avait-elle déjà à l’époque un petit ami ? Son arrestation fut-elle un prétexte pour la soumettre puisqu’elle se refusait ? Peu importe. Là aussi, Atefeh fait preuve d’un courage rare : se refuser avec force et détermination à un /des dignitaires religieux est un acte quasi kamikaze en Iran. Elle subit cent coups de fouets, résista à la torture ! et fut libérée. Est-ce à ce moment-là qu’elle rencontra son ami ? Sans doute, mais là aussi, cela importe peu. Refusa-t-elle encore des avances de hiérarques ? Probablement.

Avec un incroyable appétit de vivre d’adolescente, malgré l’horrible menace qui planait sur sa tête, elle continua à vivre… — comme si de rien n’était ? Oui. C’est peut-être le seul moyen de survivre en Iran — … s’occupant comme d’habitude de ses grands-parents, sortant peut-être, rêvant d’amour et de liberté, chantant les louanges de son amoureux devant des copines ébahies. Comment eut-elle la force ? En temps de guerre, les gens surprennent par leur déni de la peur et de la mort, continuant parfois à vivre comme si de rien n’était : une manière de résister. Lorsqu’elle fut arrêtée, Atefeh était en train de cuisiner le repas familial de riz et de tomates, celui de toutes les familles iraniennes pauvres. Ce fut une voisine qui dut éteindre le feu pour éviter l’incendie.

Incapable de payer un avocat, elle se défendit seule, ce qui en la circonstance représente un quasi suicide. Son procès est digne du procès d’Antigone, c’est celui de la justice contre la tyrannie, la justice incarnée par une jeune fille belle et énergique, seule devant ses «juges», dressée contre l’iniquité sans faiblir, malgré les larmes qu’elle ne put retenir parfois. Poussée à bout, révoltée, en un mouvement spontané qu’il faut saluer, elle ôta soudain son voile et s’exclama avec un courage qui force l’admiration «pourquoi juger la victime et non les coupables ?» (Elle désignait ceux qui l’avaient violée en prison.) C’est cette évidence, cette dénonciation inhabituelle du traitement fait aux femmes dans les geôles de la république islamique qui lui valurent la mort : elle avait levé le voile dans tous les sens du terme, pointé la tartufferie d’un pouvoir qui condamne des femmes, des adolescentes pour un délit imaginaire… parfois à seule fin de se livrer précisément sur celles-ci … à ces mêmes «délits», prétextes à leur arrestation et cruellement stigmatisés ! La réaction du juge est tout à fait dans la ligne : éminemment suspecte. Comme s’il s’agissait d’une affaire personnelle, il exigea de lui passer lui-même la corde au cou et fit diligence pour que l’appel interjeté fût immédiatement refusé. Qu’on en finisse avec cette jeune fille que l’on ne pouvait réduire et qui osait dévoiler bien des secrets de famille jalousement gardés. Normalement, les appels sont traités au bout de quelques mois, et parfois années. Là, tout fut réglé en quelques jours. Etonnant.
Observons que le Coran, qui ne mentionne jamais la lapidation, recommande le pardon au cas où le «coupable» se repend (Atefeh le fit) et que les juges, ici, se sont montrés beaucoup plus impitoyables que le texte auquel ils prétendent se référer puisqu’il ne lui fut pas accordé. Une question subsidiaire : ne pourrait-on les attaquer pour non respect des règles coraniques ? Qui est ce juge pour se permettre d’aller à l’encontre de la parole du prophète ?

Son probable petit ami, lui, fut condamné à cent coups de fouets dont on ne sait s’il les a subis — il est possible de s’acquitter en payant une amende.— S’il a survécu, il est libre. Deux poids, deux mesures, comme nous allons le voir dans tous les cas. Je dédie ce texte à cette Antigone des temps modernes. Diffusons-le, donnons-le, volons le même afin qu’elle ne soit pas morte pour rien.
Une quinzaine de femmes attendent actuellement leur exécution à Téhéran. Chaque année des dizaines sont condamnées à mort pour leur «comportement sexuel.» Faute d'autonomie financière, elles ne peuvent se défendre. Ceci est écrit pour elles.


Une remarque sur la pendaison à une grue : contrairement à ce que l’on croit, la mort n’est pas instantanée car le hisser de la victime est relativement lent : l’engin, dont la fonction n’est pas de pendre mais de haler un poids sans à-coup, est inadapté à la hart. La mort n’est immédiate que dans le cas où le condamné est violemment précipité dans le vide, soit manuellement, soit par l’ouverture d’une trappe, ce qui lui brise aussitôt — en principe — les cervicales (système anglais).

Quelques précisions

Article 104 : «Les pierres utilisées pour infliger la mort par lapidation ne devront pas être grosses au point que le condamné meure après en avoir reçu une ou deux ; elles ne devront pas non plus être si petites qu’on ne puisse leur donner le nom de pierre.» Il ressort clairement que le but de la lapidation est d’infliger à la victime une douleur atroce avant sa mort, ce qui fait de cette peine un châtiment cruel, inhumain et dégradant.
Article 102 : L’homme et la femme adultères sont enterrés dans un trou rempli de sable, le premier jusqu’à la taille, la seconde jusqu’au-dessus des seins, et ils sont lapidés.
Redite : la lapidation n’existe pas dans le Coran.







Hajiyed +, la curée

«On craint que Hajiyed Esmaelvand, une iranienne de trente-cinq ans, qui doit purger cinq ans de prison, ne soit exécutée très prochainement car, au mois de novembre, la Cour suprême a confirmé sa condamnation à mort pour adultère, aggravant même la sentence, qui n’est plus la mort par pendaison mais par lapidation et précipitant son exécution par une libération anticipée. Une manière de décourager les appels : si vous vous faites petite, toute petite, peut-être en effet vous oubliera-t-on dans un cul de basse fosse quelconque… mais si vous protestez, en appelez aux instances internationales, si vous implorez, gare à vous. — En principe, il est bon de dévoiler à l’extérieur ce qui se passe afin de protéger les victimes, mais pour Hajiyed, une des premières à avoir été soutenue par Amnesty, le pouvoir décida de faire un exemple. — Selon les informations recueillies, elle pourrait être lapidée vers le 21 décembre. Son coaccusé, Ruollah, un jeune homme de dix-sept ans, pourrait lui aussi être exécuté par pendaison de façon imminente.»
Amnesty international hélas ne se trompait pas : Hajiyed Esmaelvand (photo) a été lapidée en décembre 2004. Son crime : l'adultère. Là aussi, du moins si l’affaire est vraie ou comporte quelques éléments de base ténus, on peut rêver : un jeune homme amoureux, la jeune femme, mariée sans son consentement et malheureuse qui finit par être émue, par rêver… Il ne faut pas rêver en Iran. Le rêve est mortel. La curée ? Mais le roman de Zola, ici, se termine encore plus tragiquement.



Maryam Ayoubi +, trop tard

Maryam a été lapidée dans la prison d’Evin pour adultère et meurtre en juillet 2001. Observons, comme cela sera vérifié plus loin, que les chefs d’accusations («corruption sur terre»… «actes incompatibles avec la chasteté...» sont tellement fantaisistes que même celle de meurtre doit être prise avec les plus grandes précautions : ainsi, nous verrons que des femmes dont le mari a tué l’amant présumé (ou l’inverse) sont systématiquement accusées de meurtre ou de complicité, y compris si elles mêmes ont été victimes du meurtrier… et toujours plus sévèrement condamnées que le/les tueur/s.

Redite : la lapidation n’existe pas dans le Coran.

Shanaz +, une amère victoire

Le 2 juin 2002, le tribunal religieux de Karaj, à l'Ouest de Téhéran, a condamné Shanaz de à la lapidation. Elle a été exécutée. Cependant la sentence, étant donné la mobilisation en sa faveur, a été commuée… en décapitation. Une amère victoire.

Vingt deux femmes ont été victimes de lapidation depuis Khatami.

22 iraniennes ont été condamnées à la lapidation sous la présidence de Khatami.
Redite : la lapidation n’existe pas dans le Coran.


Et aussi Zahra Kazemi, une figure emblématique


Zarah Kazemi (journaliste), morte en prison le 28 juillet 2005


Née en Iran en 48, exilée à Paris puis à Montréal, celle qu'on surnommait Ziba (la belle) a décidé d’entreprendre en 1999 un retour aux sources. Elle n’en revint pas. Elle avait déjà photographié des camps de réfugiés partout dans le monde, exposé à travers quelques images le drame du peuple palestinien, l’Afrique des bidonvilles également, à travers des silhouettes et des visages de femmes et d’enfants. Ses reportages sont des témoignages de la vie de tous les jours, faite de misère mais aussi d’une joie tenace que rien n’a pu réduire, d'enfants et d’exode, d'humiliations, toujours. Elles nous font vivre le quotidien de la vie des réfugiés, de tous. Elles nous parlent, et d’autant plus que l’on sait quelle fut sa fin atroce. Son courage était immense. Elle aurait pu vivre douillettement au Canada qui l’avait accueillie et dont elle avait la nationalité, entourée de sa famille. Elle avait échappé à l’enfer. Elle décida d’y retourner. Elle n’en revint pas.

Le 24 Juin 2003 au cours d’un reportage devant la prison d’Evin, elle fut arrêtée. Quinze jours plus tard, envoyée pour des vomissements de sang ( !) aux urgences de l'hôpital militaire de Baghiatollah à Téhéran, un des mieux équipés au pays, elle était déclarée morte... et, en dépit des demandes de rapatriement de son corps par sa famille, immédiatement enterrée. Les autorités iraniennes annoncèrent que son décès était dû à «une baisse de tension et à une chute…» Un accident !
En fait, elle avait été violée et torturée à mort. Le médecin qui l’examina et qui demanda ensuite l’asile politique au Canada — il l’obtint— donne ici la liste de ses blessures : interminable, insoutenable. Nez fracturé, les deux yeux tuméfiés, d'énormes ecchymoses sur le visage jusqu'aux oreilles; le crâne fendu à l'arrière; trois profondes coupures de plusieurs centimètres sur le cou, comme si quelqu'un avait planté ses ongles dans sa nuque; son omoplate droite tire sur le mauve; des contusions couvrent presque tout son abdomen; sa cuisse gauche est bleu foncé; ses pieds sont dans un état effroyable, son gros orteil droit, réduit en bouillie; des ongles de doigts et d'orteils ont été arrachés et elle a deux doigts cassés; l'arrière de ses jambes laisse voir de profondes lacérations et surtout des marques extrêmement violentes aux parties génitales témoignent de viols réitérés. Le Dr Aazam a ajouté que ses blessures avaient été causées sur une assez longue période, certaines marques étant plus anciennes que d'autres. «On m'a dit que c'était une journaliste. C'était mon devoir de trouver un moyen d'en parler.» De moyen, il n’y en avait qu’un, la fuite, l’exil, la demande d’asile. Le docteur Aazam a tout laissé derrière lui pour témoigner et à présent il doit vivre caché.





L’Iran est la plus grande prison du Moyen-orient avec dix-neuf journalistes actuellement détenus.









Les amis de Zahra ont organisé une exposition posthume de ses oeuvres intitulée
contre l'oubli




Zahra Kazemi, la «belle»





Le fils de Zahra Kazemi, Stephan Hachemi, se bat pour que soient
condamnés les meurtriers de sa mère ; pour l’instant, en vain.



Le corps de Zahra a été inhumé en Iran malgré les demandes de son fils
pour qu’il soit rapatrié au Canada.

posted by Hélène Larrivé at 5:26 AM | 0 comments
Femmes d'Iran, (suite)

Des femmes en danger
Pour elles, il n’est pas trop tard




Jila, kurde et martyre

Jila Izadi, une enfant de 13 ans, a été condamnée à la lapidation par le tribunal de Marivan en Iran. Cela se passe au Kurdistan iranien, quelques semaines après la pendaison au crochet d’une grue d’ Atefeh Rajabi. Elle attend en prison la confirmation de la sentence. Elle aurait eu des relations sexuelles avec son frère âgé de 15 ans. Observons que dans les milieux très défavorisés, étant donné la promiscuité et la fermeture sur soi des familles parfois, l’inceste est fréquent, en Iran comme ailleurs. Enceinte, elle a accouché en prison. Le garçon incarcéré aurait déjà subi sa peine, 150 ou 180 coups de fouet. Seule une très forte mobilisation internationale peut réussir parfois à stopper une telle ignominie comme ce fut le cas pour Safia Husseini et Amina Lawal au Nigeria. Ne les oublions pas ! De la rapidité et de l’ampleur de nos protestations dépend leur survie.
Mais l’espoir demeure : un porte-parole du Quai d’Orsay a déclaré tout net: «Nous avons noté les appels de différentes organisations au sujet d’une adolescente qui aurait été condamnée à la lapidation en Iran. Nous avons immédiatement vérifié. Il est apparu que l’information était inexacte. Evidemment, nous continuerons à suivre cette affaire si elle devait connaître de nouveaux développements.» Autrement dit ce (ce ?) n’est pas vrai mais nous allons tout de même suivre l’affaire. ( !) Cela s’appelle le langage diplomatique… Dans la même veine, un attaché de l’ambassade d’Iran se montre rassurant en ces termes : «En général, ( !) la condamnation par lapidation n’est pas appliquée dans le système judiciaire iranien»… En général ! Ecrire à l’ambassade d’Iran, comme le suggère Elizabeth Badinter : «nous sommes infiniment soulagé/es d’apprendre qu’en Iran, les juges, en général, n’appliquent pas les sentences de lapidation qu’ils ont promulguées… (pour le fun ?) — conscients sans doute qu’il s’agit d ’une pratique monstrueuse d’une insoutenable cruauté.— Pourriez-vous m’indiquer quel sort est actuellement réservé à Jila Izadi ? Je vous en remercie par avance.» Sans les parenthèses, évidemment. La mobilisation a porté.
Sous la pression internationale, la sentence de lapidation a en effet été commuée en sanction dite «tazir», c'est-à-dire laissée à la discrétion des juges, cela peut-être des coups de fouets — très probablement puisque son «complice» a déjà subi cette torture, 150, 180 ? — plus une amende… et bien sûr, la prison, sans précision sur la durée. C'est-à-dire que les juges auront tout pouvoir pour la punir à tout moment et comme bon leur semblera sauf à la lapider. Jila est certes heureuse d’être en vie, mais son état de faiblesse et de détresse est extrême ; son fils lui a été enlevé et elle n’en a aucune nouvelle. Précisons que 150, 180 coups de fouets, surtout réitérés, peuvent représenter une sanction de mort différée guère moins atroce que la lapidation car ils occasionnent souvent des lésions internes dont on ne se remet pas. Et qu’une enfant de treize ans est plus vulnérable aux coups qu’un adulte.

Mahboubeh + et Abbas +, Roméo et Juliette
Mahboubeh Mohammadi a été lapidée avec son ami Abbas Hajizadeh, (en 2003) dans un cimetière de Meched dont une partie était interdite d’accès au public. Plus d’une centaine de pasdaran (gardiens de la révolution) et de bassidji (miliciens volontaires) ont participé à l’exécution après y avoir été invités. Ils auraient été déclarés coupables d’adultère. On peut se demander pourquoi dans ce cas l’ami n’a pas bénéficié de la mesure habituelle de clémence. Etaient-ils des opposants ? Ont-ils été, comme Payam (voir photo) pris dans une manifestation ? Le fait que leur lapidation fût discrète, contrairement aux usages, tend à l’indiquer.
Redite : la lapidation n’existe pas dans le Coran.



Jour de l’an à Téhéran; cette jeune femme a été prise en «flagrant délit» de non-conformité à la loi islamique. (Maquillage, tenue…)


Ferdows, Sima, Lina +, Shirin, Altun, Farah, Robabeh,
Cinq femmes dont la piste s’est perdue. Urgence absolue.

Sima a été condamnée à la mort par lapidation en janvier 2002 et attend en prison d’être exécutée.

Ferdows, elle, a été condamnée à douze ans d’emprisonnement suivis d’une condamnation à mort par lapidation. On ne dispose d’aucune information sur leur procès. On ne sait pas si elles ont été autorisées à faire appel.

Une autre femme dont nous ignorons le nom, appelons là Lina, accusée d’adultère, a été lapidée en mai 2001 après avoir purgé une peine de huit ans d’emprisonnement à la prison d’Evin à Téhéran.

Deux autres femmes dont nous ignorons également les noms, appelons-les Shirin et Altun auraient été condamnées à la lapidation il y a un an ; on ne sait pas si les sentences ont été exécutées.

En mai 2001, une femme a été condamnée à être lapidée pour meurtre. D’elle aussi, on ignore le nom et si la sentence a été exécutée. Appelons-la Farah.

En juin 2001, une autre, désignée simplement sous le nom de Robabeh a été condamnée à 50 coups de fouet suivis d’une lapidation à mort.

Dans le doute, il faut supposer Sima, Ferdows Shirin, Altun, Farah et Robabeh vivantes.

Pour Lina, il est trop tard. Mais pour Sima, Ferdows, Shirin, Altun, Farah et Robabeh, il est encore temps, les sentences de mort suivant celles de prison après un temps parfois assez long, jusqu’à huit ans.


Malak Ghorbani, un cas burlesque ; Mariamne


Ourmia : la cour de justice a condamné une jeune kurde, Malak Ghorbani à la lapidation.
Il s’agit d’un deuxième cas en moins d’un an et nous ne savons pas qui est l’autre femme identiquement condamnée, appelons-la Mariamne.

Malak, deux — voire — trois fois victime… et condamnée !
Son histoire est extraordinaire, même dans un pays où de tels récits abondent et elle vaut qu’on s’y attarde. Elle est accusée d’adultère et a donc été condamnée à la lapidation. Banal. Son «amant» aurait été tué pour l’ «honneur» par son mari et son frère. Presque banal, également. Seulement, là où l’histoire devient burlesque, c’est que elle aussi fut poignardée par les deux hommes — pour l’honneur, toujours — et elle ne survécut que de justesse ! Or, fait rarissime, la cour a condamné les deux tueurs à six ans de prison chacun. Pour elle ? Que nenni, pour le meurtre de l’ «amant», bien sûr. C’est dérisoire certes par rapport à la lapidation, mais même ce dérisoire est exceptionnel. Pourquoi ? Le cas serait risible si elle ne risquait une telle fin.

Résumons : ses frères et son époux ont assassiné l’homme qu’ils avaient trouvé chez elle, — son amant ? nous allons voir que c’est peut-être plus compliqué — mais ils l’ont également frappée, elle, de plusieurs coups de couteau. Ce n’est pas la sentence contre elle, hélas courante, qui pose problème, mais la condamnation des deux hommes, les cours de justices islamiques ne condamnant jamais les coupables de crimes d’ «honneur»… sauf, sauf…

Sauf à imaginer que l’«amant», dont le nom n’a pas été révélé, ait été un personnage influent, un intouchable, membre d’un comité islamique par exemple, ou un mollah, un milicien. Alors ? Alors, tout simplement, la question se pose : Malek avait-elle le choix ? Si ce personnage avait jeté son dévolu sur elle, pouvait-elle se refuser ? Les dignitaires usant fréquemment de leur pouvoir pour contraindre les femmes — et Malak est kurde de surcroît, ce qui la fragilise encore — souvenons nous d’Atefeh, il n’est pas exclu qu’elle ait dû subir l’ «amant» sans son consentement. Cela s’appelle un viol, même non violent. Un abus de pouvoir.

Malak, qui n’est pour rien dans le meurtre, qui elle est elle-même victime des deux tueurs et sans doute de l’ «amant», donc victime des trois hommes, Malak, qui n’a dû son salut qu’à un improbable hasard… est condamnée à la lapidation pour «adultère». Son cas est paradigmatique, extrême : trois fois victime et c’est elle qui est condamnée à une mort atroce tandis que deux de ses bourreaux, à six ans de prison seulement.

Une précision : selon le code pénal iranien, le terme «adultère» désigne toute relation intime ou sexuelle entre un homme et une fille/femme non mariés… et il est aussi utilisé lorsqu’une fille est accusée d’avoir commis «des actes incompatibles avec la chasteté», ce qui peut par exemple inclure le viol ! Or, la peine pour «adultère» est la mort. Donc une fille qui a été violée peut ensuite être lapidée pour «adultère» : son violeur aura tout intérêt à la charger, il sera toujours entendu contre elle… et moins lourdement condamné. Par exemple on ne condamne pas ou peu les clients des prostituées, considérés comme des victimes de provocatrices, tandis qu’elles, en revanche, n’échappent pas à la lapidation.

Autre observation : Naghadeh, la ville de Malak, a une forte population kurde et azérie, minorités particulièrement ostracisées en Iran. En mai, au moins six manifestants azéris ont été tués dans la ville par les forces de sécurité pendant des affrontements (voir photo).











Parisa, Iran, Khayrieh, Kobra Najjar, Soghra Molai, Fatemeh
… et tant d’autres… Urgence absolue






Redite : la lapidation n’existe pas dans le Coran.



Ces femmes sont condamnées à être lapidées incessamment
Parisa a été arrêtée en avril 2004 alors qu’elle se prostituait à Chiraz. Lors de l’«interrogatoire» (!) qui a suivi, elle a avoué s’être rendue coupable d’ «adultère», expliquant que son mari l’avait forcée pour survivre à la misère. Mais lors de son procès, en juin 2004, elle est revenue sur ses déclarations. Le 21 juin 2004, elle est condamnée à être lapidée. La Cour suprême a confirmé cette peine le 15 novembre 2005. Son dossier est actuellement réexaminé. Elle est détenue à Chiraz.

Iran, membre du clan Bakhtiari, aurait été attaquée par son mari, armé d’un couteau, tandis qu’elle parlait avec le fils d’un voisin dans la cour de sa maison. Elle a été sauvagement battue et abandonnée à même le sol, en sang et inconsciente. Pendant ce temps, l’homme aurait tué le mari menaçant avec son propre couteau. Lors d’un «interrogatoire», Iran aurait «avoué» qu’elle s’était rendue coupable d’adultère. Il est facile de comprendre pourquoi tous ces aveux au terme d’ «interrogatoires» dont Atefeh seule a osé dévoiler le modus opérandi. Comme Parisa, comme toutes, Iran s’est rétractée par la suite. Le tribunal l’a condamnée à cinq années d’emprisonnement pour complicité de meurtre ! Et à la lapidation pour adultère ! La Cour suprême en avril 2006 a confirmé la lapidation mais l’avocat d’Iran a formé un dernier recours. Elle est actuellement détenue dans la prison de Sepidar, à Ahvaz.

On mesure là toute l’absurdité de ces sentences : une femme dont le mari tue ou blesse l’amant — ou un homme soupçonné de l’être — (ou l’inverse) est automatiquement considérée comme complice du meurtrier quelqu’il soit, voire même principale meurtrière, y compris si celui-ci a également tenté de la tuer, ce qui est le cas général (voir le récit de Malak)… et elle est alors condamnée à une peine de prison et à des coups de fouets pour meurtre… et ensuite et surtout à la lapidation pour adultère ! Il n’est pas bon en Iran d’avoir un mari jaloux : s’il vous rate, ce sont les tribunaux islamiques qui, eux, ne vous rateront pas.

C’est le cas de Khayrieh, (elle aussi arabe). Elle aurait été victime de violences de la part de son mari et aurait eu une liaison avec un proche de celui-ci, qui aurait assassiné l’époux. Elle a été condamnée à la peine capitale pour complicité de meurtre… et à la lapidation pour adultère. Bien qu’elle ait reconnu l’adultère, elle nie toute implication dans le meurtre. Sa peine a été confirmée et son dossier aurait été soumis au responsable du pouvoir judiciaire afin qu’il autorise l’exécution. Khayrieh, au terme de son procès et de sa détention, est résignée et attend simplement la mort. En Iran, les suicides de femmes, souvent très jeunes, sont très nombreux, le pays détient le record connu du moyen orient où la pratique n’est pas très répandue.
«Je veux bien qu’ils me pendent, dit simplement Khayrieh, mais pas qu’ils me lapident. Lorsqu’ils t’étranglent, tu meurs (quasi-instantanément) — ce en quoi elle se trompe — mais pas quand tu reçois une pierre sur la tête.»

Kobra Najjar, dix ans dans le couloir de la mort. Kobra a quarante-quatre ans. Actuellement détenue dans la prison de Tabriz (nord-ouest de l’Iran), elle risque d’être exécutée à tout instant. Elle a été condamnée à huit ans d’emprisonnement pour complicité dans le meurtre de son mari, ainsi qu’à la mort par lapidation pour adultère. Elle devait être lapidée après avoir purgé sa peine, c’est à dire il y a deux ans. Elle est donc depuis dix ans en prison dans le couloir de la mort ! Kobra Najjar aurait écrit à la Commission judiciaire des grâces afin que sa condamnation à la mort par lapidation soit commuée ; aujourd’hui, elle attend la réponse. Son mari, un héroïnomane sadique l’aurait forcée à se prostituer. En 1995, après qu’il l’eut sauvagement battue, elle parle à un de ses clients habituels. Elle se serait entendue avec celui-ci pour conduire le mari à un endroit où il l’aurait tué. Il a été condamné à mort mais a obtenu le pardon de la famille de la victime après lui avoir versé la diya (prix du sang). Pas Kobra, qui croupit en prison, dans le couloir de la mort, depuis dix ans !

Soghra Molai, une femme délaissée. Soghra est de Varameen, une ville industrielle située à trente kilomètres de Téhéran dans laquelle les groupes de femmes semblent particulièrement actifs. Elle a été condamnée à quinze ans d’emprisonnement pour complicité dans le meurtre de son mari, Abdollah, tué en janvier 2004 par un ami de celui-ci, Alireza, comme lui afghan… ainsi qu’à la mort par lapidation pour adultère. Son cas également est emblématique : marié de force avec Abdollah, elle lui donna de nombreux enfants dont un fils qui fut témoin du meurtre de son père par Alireza.

Suspicieux, jaloux pathologique, Abdollah, qui se rendait fréquemment en Afghanistan, demanda alors à son ami Alireza de «surveiller» sa famille en son absence et surtout sa jeune femme. Le jeune homme s’en acquitta, mais… il arriva — peut-être — ce qui devait arriver. L’époux se retourna alors contre celui-là même qu’il avait diligenté comme gardien, l’accusant de relations sexuelles avec Soghra. Vrai ? Faux ? La question est sans importance. Les choses s’envenimèrent immédiatement, les deux hommes en vinrent aux mains et Alireza, pour «laver son honneur», tua Abdollah. Le fils adolescent de Soghra, réveillé par les cris, suivit la fin de la scène qu’il décrivit clairement : Alireza sortit un couteau et poignarda Abdollah. La jeune femme, qui n’était pas présente, n’eut ensuite d’autre choix que de fuir elle aussi dans la montagne : si elle était restée, elle eût été lynchée. Elle a déclaré que son mari ne cessait de la tourmenter mais qu’elle n’avait jamais eu l’intention de le tuer. Le soir où ça s’est passé, (après qu’Alireza l’ait tué), j’ai été obligée de m’enfuir avec lui parce que mes beaux-frères m’auraient tuée si j’étais restée à la maison.» Ce qui ne souffre aucun doute. Alireza a été condamné à la peine capitale pour le meurtre ainsi qu’à recevoir cent coups de fouet pour « relations illicites». Ces condamnations sont en cours d’examen par la Cour suprême. Soghra est détenue à Karaj, près de Téhéran.

Fatemeh Haghighat Pajouh, une dette de jeu. Fatemeh a été condamnée à mort pour le meurtre de son «époux» qui, selon son témoignage, était toxicomane et avait tenté de violer sa fille de quinze ans, issue d’un précédent mariage…

L’histoire, là aussi, vaut son pesant d’or. L’homme prétendait… avoir perdu l’adolescente au jeu ! Ni plus ni moins. Dette de jeu, dette d’honneur, en somme… Mais perdue pour perdue, avant de la livrer à l’acquéreur plus chanceux, il voulait s’en réserver la primeur, la cession n’ayant apparemment pas prévu qu’elle fût vierge. On croit rêver. Il faut préciser que Fatemeh n’était que l’épouse «temporaire» du sinistre personnage — on verra plus loin toute l’abjection de cette situation qui s’apparente à de l’esclavage légalisé — joueur, violent et drogué. Le statut d’épouse temporaire est certes peu enviable, mais de surcroît, lorsqu’on a la malchance comme Fatemeh d’être attribuée à un tel individu, on mesure la gravité de la situation. De fait : peu de temps après, elle entendit l’adolescente hurler, appeler à l’aide, elle se précipita, trouva l’homme en train de la violer — sans doute pensait-il que les deux femmes formaient un seul lot ? — et le tua. Exprès ? Un coup mal porté devant l’horreur ? L’histoire ne le dit pas. Peu importe. Que pouvait-elle faire pour sauver sa fille, ou du moins son honneur, sa dignité ? Cette attitude, au fond très islamique, ne fut pourtant pas comprise : les valeurs de défense de l’honneur et de la vertu des filles semblent à géométrie variable selon qu’elles sont défendues par un homme ou par une femme. Fatemeh fut aussitôt emprisonnée. Elle serait détenue depuis Juin 2001 et aujourd’hui elle attend de savoir comment elle sera exécutée. La pression internationale, une lettre de sa fille adressée à l’Ayatollah Sahraoui implorant la grâce de sa mère ont empêchés qu’elle le soit. Mais la sentence plane au dessus de sa tête.

Fatemeh J., une épouse protectrice. Tout autre mais tout aussi burlesque est le cas de cette autre Fatemeh. Elle a trente-cinq ans et a été condamnée en mai 2005, à Téhéran, pour complicité dans le meurtre de son «amant», Mahmoud, en vertu du principe de «réparation»… ainsi qu’à la lapidation pour « relation illicite» avec cet homme. Le mari, lui, a été condamné à seize ans d’emprisonnement pour complicité de meurtre, ce qui là aussi est exceptionnel. — Mahmoud était-il lui aussi un dignitaire ? — Donc le mari et la femme sont tous les deux complices et il n’y pas d’instigateur ? Soit. Mais leur traitement ne sera pas le même, nous allons le voir.

Mahmoud était-il son amant ? La suite nous permet d’en douter. Etait-il, là aussi, un personnage protégé ? La condamnation pour un crime d’ «honneur» exceptionnellement lourde, du mari, tendrait à l’attester. Amant ? Amant par contrainte s’il s’agit d’un notable ? On ne sait, mais amant malheureux en tout cas, puisque dans la bagarre qui opposa les deux hommes, Fatemeh prit le parti de son mari, qui chose exceptionnelle, n’essaya pas de la tuer ensuite : un couple solide, en quelque sorte. Selon le quotidien Etemad (Confiance, mai 2005), lors de la violente querelle qui opposa Mahmoud et le mari, Fatemeh, pour protéger son époux — plus faible ? Plus aimé ? — aurait serré une corde autour du cou de l’ «amant», afin, dit-elle, de le maîtriser et de le livrer à la police. Donc là aussi, on a deux hommes qui se battent — certes pour une femme, «coupable» ou non —… et c’est celle-ci qui est condamnée à la peine la plus lourde tandis que le survivant n’est sanctionné que par la prison. Encore cette sanction est-elle exceptionnelle, surtout compte tenu qu’il s’agissait du mari, ce qui là aussi tendrait à indiquer que le présumé amant était un personnage d’importance. La Cour suprême a été saisie.
Deux poids, deux mesures : le cas inverse existe. Le voici :


Shahla Jahed, l’épouse provisoire
Shahla a été condamnée à mort en 2002 pour le meurtre de la première épouse de son provisoire «mari». Interrogée, comme toutes les autres femmes ici, — n’est-ce pas curieux ? — elle passa immédiatement aux aveux. Shahla est un cas : elle fait partie de cette catégorie que l’on ne trouve qu’en Iran ou dans certains pays musulmans, les «épouses temporaires» ! Mais elle a de la chance, si l’on peut dire : elle est «mariée» — temporairement ! — à une star. Les épouses temporaires sont des femmes qui sont en quelque sorte prises à bail précaire, un bail qui peut varier de quelques jours à quatre-vingt-dix-neuf ans, (un bail emphytéotique !) au terme duquel il est simplement dissout. Le «temporaire» mari de Shahla est Nasser Mohammad Khani, un footballeur célèbre qui devint par la suite entraîneur de l’équipe de Téhéran. Elle est accusée d’avoir, le neuf octobre 2002, poignardé l’épouse «permanente» du beau Nasser, Laleh Saharkhizan. Elle fut condamnée à mort en juin 2004. Soutenue par sa famille, — nous sommes ici dans un milieu bourgeois favorisé — elle fit appel ; en vain, la sentence fut confirmée. Son avocat aurait écrit à l’Ayatollah Mahmoud Hashemi Shahroudi, responsable du pouvoir judiciaire, afin de lui demander que soit réexaminée l’ordonnance d’exécution, l’enquête sur ce dossier n’ayant pas été menée dans de «bonnes conditions». — Qu’en termes délicats ces choses-là sont dites. — En novembre 2005, Mahmoud Shahroudi aurait en effet demandé un report de l’exécution pour que l’affaire fasse l’objet d’un nouvel examen, mais le onze septembre 2006, date funeste s’il en est, les juges de la Cour suprême ont, semble-t-il, entériné la condamnation à mort de Shahla.

Pour elle, le danger est à présent imminent, comme pour Kobra, comme pour Leyla (voir plus loin), Leyla qui pourtant ne lui ressemble en rien, tant au niveau social qu’intellectuel. Aux deux extrêmes de la hiérarchie sociale et économique, d’une bourgeoise riche — temporairement !— à une petite kurde analphabète, on voit deux femmes qui risquent de la même façon une mort atroce, deux femmes dont l’un est innocente et martyre à coup sûr et l’autre de toutes manières, jugée, comme toutes, avec un évident parti pris.

Bien qu’elle ait avoué, Shahla n’a cessé durant son procès de protester de son innocence, en termes à la fois codés et clairs: «tout le monde sait dans quelles conditions j’ai fait ces aveux.» Le ministère public soutient que Shahla a tué par jalousie. Nasser Mohammad Khani, initialement soupçonné d’avoir été complice — ou instigateur ? — a été incarcéré pendant quelques mois mais il aurait été libéré.

Que dire d’une loi, qui, soulignons le, ne suit absolument pas le Coran, et qui autorise une polygamie particulièrement abjecte avec inégalité de situation des femmes, si ce n’est qu’elle est à la source de tragédies innombrables, d’injustices cruelles et parfois certainement d’assassinats ? L’atmosphère est malsaine qui règne dans ces «familles» particulières où l’homme n’a même plus à agir : lassé d’une épouse souvent forcée, il a toujours la ressource d’en prendre une «provisoire», à l’essai en somme, plus jeune, plus performante, parfois désireuse de se faire titulariser… et de les manœuvrer les unes contre les autres jusqu’à être débarrassé de la fâcheuse, physiquement ou moralement. — En général, c’est l’épouse provisoire qui est éliminée et cela n’atteint que rarement les tribunaux. — Observons que si Nasser était une femme, il aurait — comme Soghra, comme Malek, comme les deux Fatemeh… — été condamné pour meurtre ou au moins complicité, et ceci même s’il n’avait rien fait lui-même, même s’il avait lui aussi été blessé par la «jalouse»… condamné à cent coups de fouets, à de la prison… puis à la lapidation pour adultère. Nasser est actuellement libre et joue toujours au foot.

A-t-il conscience que c’est son attitude qui a généré une situation dramatique dont l’issue était déjà en germe dans l’argument de la pièce, banal : deux femmes et un seul homme ? Si en apparence les histoires se ressemblent, ce n’est que superficiel : Malek ne pouvait se refuser au hiérarque qui la courtisait tandis que Nasser, au contraire, a délibérément choisi Shahla … bien qu’il fût déjà marié à Laleh. Le foot !

Des actrices trop jolies : Sarah +, Sima
Une femme de trente-cinq ans dont nous ignorons le nom, appelons là Sarah, a été récemment lapidée après huit années d’emprisonnement. Elle est accusée d’avoir tourné dans des films «obscènes». Pornographiques ? Pas nécessairement, là aussi il faut prendre les termes avec la plus extrême prudence. Cela importe peu, certes, mais tout film banal pouvant être considéré comme «obscène» par les tribunaux islamiques, on mesure le risque que courent tous les acteurs et surtout actrices en Iran.
Mais une autre, Sima, est toujours vivante. Elle attend en prison d’être lapidée depuis janvier 2002. Tout ce que l’on sait d’elle est qu’elle est très jolie. Trop, sans doute. Le conseil national de la résistance iranienne en appelle aux instances internationales.

Ashraf Kolhari, interdite de divorce
Ashraf Kolhari, une libération anticipée inquiétante. Ashraf, condamnée pour adultère, risque elle aussi d’être lapidée très prochainement. Elle est mère de quatre enfants âgés de neuf à dix-neuf ans, et incarcérée dans la célèbre prison d’Evin depuis cinq ans. Elle doit, en vertu de la loi, purger encore dix ans de prison avant d’être exécutée. Or, au mois de juillet 2006, elle a reçu un avis de libération anticipée, suivi de l’ordonnance d’exécution de sa peine, qui prévoit apparemment qu’elle soit lapidée d’ici à fin juillet. Son crime ? Le même que Malek. Après que sa demande de divorce eût été rejetée par un tribunal au motif qu’elle avait des enfants, elle aurait eu une liaison extraconjugale et son «amant» aurait tué son mari. Elle a donc été déclarée coupable de complicité dans le meurtre de son époux, forcément, ce qui lui a valu une peine de quinze années d’emprisonnement, peu de choses en somme, et adultère par une femme mariée… pour lequel elle a été condamnée à la lapidation !

Lorsqu’un homme est condamné à mort pour meurtre, la famille de la victime peut pardonner au meurtrier. Pour ce qui est des condamnations à la peine capitale pour adultère, le Code pénal prévoit que si le coupable avoue les faits et se repent, le juge peut demander une grâce au Guide spirituel de la République islamique d’Iran. L’affaire doit ensuite être soumise à la Commission des libérations conditionnelles. Ashraf a écrit au responsable du pouvoir judiciaire, l’Ayatollah Shahroudi, afin de solliciter son pardon… On a vu que dans le cas d’Atefeh, le juge se montra plus impitoyable que les textes eux-mêmes. Reste que l’Ayatollah Shahroudi semble tout différent, nous le verrons plus loin, de celui qui condamna Atefeh et exigea de lui passer lui-même la corde au cou.

Ania, Sonia, Amina, Lena, Soraya, des inconnues en danger
Ania et Sonia, deux femmes dont nous ne savons en fait pas le nom, de la ville de Ahavaz, Amina et Lena, deux femmes de Chiraz (idem) et Soraya, une femme de Evin à Téhéran (idem) attentent leur exécution par lapidation publique. (Sources, le journal iranien «confiance» le quatre juillet 2006.) Il faut les supposer vivantes.




Delara Darabi


Delara Darabi,
une délinquante banale (et c’est bien la seule)
Bonnie and Clyde…

Delara a dix-huit ans. Au cours d’un cambriolage effectué avec un ami, elle aurait tué le propriétaire des lieux. En réalité, le meurtre est probablement le fait de son complice mais comme au moment des faits elle n’avait que 17 ans, elle consentit, sur la demande de celui-ci, plus âgé, à endosser le crime. Lorsqu’elle comprit qu’elle n’échapperait pas à la lapidation malgré sa minorité, elle se rétracta … et fut alors condamnée à la pendaison pour faux aveux ! La condamnation a été cassée mais le deuxième procès en août a confirmé la sentence. Elle risque donc d’être exécutée à tout instant.
Bonnie and Clyde ? En un sens. Mais là, Bonnie se montre plus courageuse que Clyde, qui la laisse s’accuser à sa place.


Leyla Mafi, innocente et martyre

C’est peut-être le cas le plus effroyable, et cependant... Leyla a dix-huit ans et mentalement c’est une enfant de huit ans. Débile légère donc, elle a été livrée à la prostitution par sa mère dès l’âge de huit ans et semble-t-il, a subi durant ce même temps de nombreux viols de la part des propres membres de sa famille. A neuf ans, elle accoucha d’un enfant… et subit cent coups de fouets pour «manquement à la chasteté»… A douze ans, elle fut vendue par sa mère à un afghan qui en fit son «épouse provisoire»… et qui devint également son proxénète, la prostituant sans lui verser quelque rémunération que ce soit. A quatorze ans, elle fut à nouveau enceinte, accoucha de jumeaux… et subit encore cent coups de fouet pour «manquement à la chasteté». Elle survécut à la torture ; le «mari» provisoire, comme prévu, la restitua à sa famille… qui la céda cette fois à un notable, marié et honnête père de famille. Celui-ci — souteneur professionnel ou commerçant opportuniste désirant fidéliser sa clientèle d’une manière originale et hautement appréciée, l’histoire ne le dit pas —... profita de l’aubaine et l’offrit alors régulièrement à des chalands dans sa propre maison.

La Cour de la ville d’Arak la condamna ensuite à la flagellation et à mort, toujours pour «actes contraires à la chasteté» récidivés, pour avoir donné naissance à des enfants hors mariage et s’être livrée à «des relations sexuelles avec des parents de sang.» Sa mère, les membres de sa famille qui l’ont violée, ses «maris» provisoires, c'est-à-dire ses proxénètes, eux, n’ont pas été inquiétés.

Elle a reconnu les faits. Etant donné son âge mental, elle n’a évidemment pu se défendre. Elle risque donc d'être exécutée très prochainement. Bien que le personnel social et médical ait signalé qu’elle avait les capacités mentales d’une enfant de huit ans, le tribunal a fondé son jugement sur ses aveux sans tenir compte de sa déficience. Les médecins de la cour seraient prêts aujourd'hui à l’examiner mais la menace d'exécution pèse lourdement. Leyla Mafi sera flagellée avant sa pendaison. Dernière nouvelle d’Amnesty : la sentence est confirmée et Leyla a subi 99 coups de fouet. L’urgence est absolue. Poursuivez les appels.

Kobra Rahmanpour

URGENCE ABSOLUE, ENCORE. Une alerte du conseil national de la résistance iranienne en date du vingt-deux septembre : Kobra Rahmanpour, vingt-deux ans, condamnée à la peine de mort pour meurtre, risque d’être exécutée très prochainement. L’exécution pourrait avoir lieu peu après le douze octobre. Je n’ose pas regarder ma montre. Nous sommes déjà le vingt… deux peut-être. Ou plus encore. O temps, suspend ton vol… N’y pensons pas…

L’histoire de Kobra est simple et pathétique. C’est un drame de la misère. En 2000, la jeune fille, dont la famille vit dans une extrême pauvreté, Kobra, qui a dix-huit ans à peine, est «volontairement confiée», pour trois mois… à un homme de soixante : une période d’essai, en quelque sorte. Un CPE mode iranienne. Si ça plaît, on garde. Si ça ne plaît pas, on renvoie. L’homme aurait été prêt à l’épouser… si elle donnait satisfaction. (!) Une excellente affaire en somme : il bénéficiait des faveurs d’une jolie fille et ne s’engageait à rien. Faveurs ? Plus que cela, comme on va voir, car le gaillard, pas romanesque pour deux sous, avait trouvé le moyen de joindre l’utile à l’agréable.

Dans un foyer où elle n’était qu’une servante humiliée, Kobra fut alors assujettie à des brutalités quotidiennes, psychologiques et physiques : son « mari » fut même condamné pour brutalité physique et sexuelles, le cas est unique, c’est dire. Durant la journée, elle devait servir l’homme et sa mère, et, la nuit, le satisfaire sexuellement. Elle n’y parvint pas. Faut-il s’en étonner ? N’a-t-on pas la nausée d’imaginer cette adolescente au lit avec un «vieux» pervers — car à dix-huit ans, tout homme de soixante est forcément un vieux. — Quelle que soit l’allure du lascar, que j’ignore. Répugnant ? Rien ne le dit. Triste sire ? Tout porte à le croire.

Donc au bout de la période d’essai, après consommation, peu satisfait de ses prestations nocturnes, il la renvoya en lui donnant l’équivalent de… vingt Euros. Le salaire de deux heures de ménage. Et c’est là où l’histoire devient incompréhensible : Kobra refusa la «répudiation». Elle implora la pitié, plaida sa cause auprès de la mère ; en vain. Et pourtant, elle n’exigeait pas grand chose, ni le mariage prévu, ni une indemnité conséquente, non. (Après tout, elle avait perdu sa virginité, ce qui la rendait difficile à caser ensuite !) Peu lui importait, ses prétentions étaient bien plus modestes : demeurer comme servante seulement. Et étudier. On peut ici se demander pourquoi une jeune fille aussi mal traitée prie qu’on la garde tout de même. En fait, c’est simple : la misère est pire. Cela donne la mesure de leur dénuement. Et d’autre part, une femme «essayée» et refusée — essayée, le mot est joli, je le retiens — n’a plus de valeur. C’est une seconde main, du matériel d’exposition, en somme.

Mais les larmes et les arguments de l’adolescente n’eurent eu aucun effet sur la belle-mère. Au contraire, même : devenue soudain violente, elle menaça Kobra d’un couteau et le résultat, logique, de la mêlée, fut la mort, accidentelle sans doute, de la plus âgée : tant va la cruche à l’eau dit-on… Kobra a été condamnée à mort…. et, un matin de février 2002, conduite au pied de la potence. Mais la famille de la victime avait oublié… de se munir de la corde ! Acte manqué ? Ou au contraire, sadisme, désir délibéré de la voir boire sa mort à petites gorgées ? De savourer sa terreur ? Nul ne sait. Reste qu’en l’absence de l’outil indispensable, la sentence ne put être exécutée. (Les magasins étaient fermés ?)

L’Ayatollah Shahroudi, qui en cette affaire tente d’intervenir avec une persévérance qu’il faut souligner, a ordonné le report de l’exécution afin de tenter encore de convaincre la famille de la victime de pardonner. Car toutes les procédures sont parvenues à leur terme et la peine prononcée contre Kobra ne peut à présent être commuée que si les parents de la victime acceptent de lui accorder le pardon et le paiement de la diya.
Le douze octobre est la date limite. Mais, à la dernière réunion du conseil de conciliation, la famille de la victime, en particulier l’homme «testeur» — et sa sœur — ont maintenu leur position, inébranlables : Kobra doit mourir. A-t-il songé, lui, le «goûteur» insatisfait d’une jeune fille de dix-huit ans qu’il est pour une grande part responsable de la mort de sa mère ? Que traiter une adolescente comme du matériel ménager multi usage sous garantie et la renvoyer lorsqu’on n’en veut plus, l’humilier dans tout son être, profiter de sa pauvreté et de sa jeunesse… ne peut que conduire à une situation délétère, à des haines violentes et finalement à des drames de ce type, nombreux en Iran ? Si conciliante soit-elle ? Redite : tant va la cruche à l’eau… que non seulement elle se casse, MAIS aussi, qu’elle casse. Parfois. A-t-il compris qu’une victime en entraîne toujours une autre, et pas nécessairement la bonne ? Que la souffrance, indiscutable, qu’il subit, c’est lui aussi, lui surtout qui l’a causée ? Sans doute : c’est pour cela qu’il veut la mort de Kobra.

Il reste très peu de temps pour la sauver. Soulignons qu’elle est détenue dans la prison d’Evin, celle où est morte Zhara, depuis de six ans dont quatre passés dans le couloir de la mort. Elle a écrit une lettre ouverte publiée sur Internet. A tous. Bouleversante. Ecoutons la. Et gardons en mémoire en la lisant qu’elle n’a que vingt-quatre ans et ne peut pas tout à fait s’exprimer librement. Il faut compléter entre ses lignes.


Je ne veux pas mourir
Kobra Rahmanpour
«Je ne veux pas mourir. Aujourd’hui pourtant, je ne suis qu’un corps sans vie qui vit dans la crainte de la corde de l’exécution… Je suis si près de la mort, et depuis si longtemps ! (Et elle est passée si près, aussi !) Comme vous tous, j’ai peur de mourir. Je vous en prie, aidez-moi ! Faites que cette lettre ne soit pas la dernière. J’ai si souvent rêvé d’une autre vie, rêvé que j’avais pu terminer mon année pré universitaire, que je n’étais pas forcée de travailler et de servir la famille de mon mari, et que je ne perdais pas la raison de peine. J’ai tant souffert. Je suis une victime. Et c’est cette victime qu’ils vont pendre. Je ne mérite pas la corde.
Face à la peur et à l’horreur, je me tourne vers vous. Je remercie les médias, les journaux et tous ceux qui m’ont soutenue en disant : Kobra ne doit pas mourir. Aujourd’hui, et pour la dernière fois peut-être, je vous supplie de m’aider à échapper à l’exécution, à cette mort horrible. Tous les jours, je rêve de liberté… De vie. J’ai assez souffert. Aidez-moi afin que ce terrible cauchemar qui m’a si souvent poursuivie dans mon sommeil et réveillée dans les cris ne se réalise pas. Aidez-moi à échapper à la mort. Faites tout ce que vous pouvez, il me reste peu de temps. Chaque seconde qui passe me rappelle que la mort est proche. Aidez-moi, je vous en prie ! J’ai peur. Peur de la mort et de l’exécution. J’ai peur de la corde. Je veux vivre. Toutes les portes se sont fermées sur moi. Je n’ai personne… Mon seul espoir, ce sont les autres êtres humains, VOUS… tous ceux qui se battent pour me sauver, merci de tous vos efforts.»






Nazanin, une battante

Nazanin
Nazanin Mahabad Fatehi est un autre cas, une autre personnalité, tout aussi attachante, une héroïne de film ; comme Atefeh, c’est une battante. Comme Leyla, elle a dix-huit ans. Aînée d’une famille très pauvre de six enfants, elle a quitté l’école en primaire pour s’occuper de ses jeunes frères et sœurs pendant que sa mère travaillait durement. C’est du reste une femme vieillie avant l’âge, cassée, s’exprimant pour l’essentiel en kurde — comme beaucoup de kurdes, elle ne parle pas couramment le farsi, mais le sorani — qui nous relate l’histoire de sa fille. Comme nombre de migrants internes, la famille a échoué dans les bidonvilles de Karadj, la banlieue de Téhéran. Le père était ouvrier ; usé par son travail dans un complexe chimique, il est aujourd’hui grabataire. A quatre reprises il a dû être opéré et il s’est endetté à chaque fois pour payer les interventions. La mère lave des tapis avec des produits toxiques. Malgré son état de santé gravement dégradé, elle n’a pas d’autre choix que de continuer. Ce travail la détruit mais seul il permet —à peine— à ses enfants de subsister.

Un jour qu’elle était partie faire des courses avec une cousine et une amie, Nazanin et ses compagnes furent agressées par quatre hommes dans un parc. Elles ont couru, crié, appelé : sans résultat. Les quatre agresseurs ont alors tenté de les faire monter de force dans leur voiture. Au moment où sa cousine, malgré sa résistance, avait été hissée à bord, et pour la défendre, Nazanin s’est saisie d’un couteau et a frappé.... Un des agresseurs a été blessé : ses comparses, courageux mais pas téméraires, ont immédiatement détalé, laissant leur compère se vider de son sang. Nazanin, elle, en état de choc, ne s’est pas enfuie. Voici donc les faits, pour ce que l’on en connaît.

Et voici le résultat : elle est en prison où elle attend d’être pendue. Ses agresseurs, eux, n’ont jamais été inquiétés. Elle n’a pas pu payer un avocat et sa famille est même dans l’incapacité de lui faire parvenir de quoi subsister en prison. Il n’y a que le comité de lutte contre la peine de mort en Suède qui s’est penché sur son cas, avec courage et efficacité : maintenant, son nom est enfin connu dans le monde.
Une question : que serait-il advenu d’elle et de ses compagnes si elles n’avaient pas résisté ? Seraient-elles encore vivantes ? Auraient-elles été livrées à des bordels des pays arabes du Golfe Persique ? Il est connu en Iran que ces établissements sont couramment approvisionnés par de jeunes iraniennes razziées puis vendue par des bandes maffieuses qui s’en sont fait une spécialité. Même au cas où leurs agresseurs ne voulaient que les violer, si l’on peut dire (et non les vendre, ou les deux, ce qui est le plus probable) la loi iranienne aurait de toutes manières pu condamner les trois adolescentes à la lapidation pour relations sexuelles illicites.

En Iran, les agressions contre les femmes sont si fréquentes que les jeunes filles doivent s’armer pour sortir. Lorsque l’on sait que l’agresseur pourra toujours se défendre en alléguant que sa victime l’a provoqué, que sa parole primera toujours sur celle de la femme, et que c’est elle qui risquera la mort par lapidation pour «actes contraires à la chasteté» tandis que lui ne sera condamné qu’à des coups de fouets — dont il pourra souvent s’acquitter en payant une amende — on comprend que les enlèvements suivis de viols… et de la vente des victimes à des bordels étrangers représentent un commerce courant, lucratif et sans danger. Que les jeunes filles se protègent constitue un réflexe normal de survie en de telles circonstances ; c’est ce qu’a fait Nazanin. Cette Cosette iranienne risque de finir comme Atefeh, comme Leyla l’innocente : au bout d’une corde. Son procès, grâce à la campagne de mobilisation en sa faveur, va être révisé, mais rien n’est encore gagné : celui de Leyla l’a été et la sentence de fouet et de mort a été confirmée. Nazanin, comme nous l’avons vu, doit cette publicité un improbable hasard : elle porte le même prénom qu’une célébrité, miss Monde 2003. Emue par sa malheureuse homonyme, profitant de sa notoriété, elle a remué ciel et terre pour la sauver. C’est elle qui a été à l’origine de la pétition «sauvez Nazanin» et indirectement de ce texte. Vivent les concours de beauté en somme, quelque contestables qu’ils soient, du moins si les élues sont de la trempe de Nazanin.

Une note d’espoir, qui montre ceci : si on peut sauver Nazanin, ON PEUT AUSSI SAUVER LES AUTRES, de la même manière.
Pour Atefeh Rababi +, Hajiyed +, Lina +, Maryan Ayoubi +, Shanaz +, Mahboubeh + et Abbas +… et tant d’autres, il est trop tard. Nous avons tardivement réagi ou mal, ou pas. Mais il n’est pas trop tard pour elles :


Sauvons ces femmes :
Jila, (13 ans !) ; Ferdows ; Sima A. ; Shirin ; Altun ; Farah ; Malak Ghorbani ; Mariamne ; Robabeh ; Parisa ; Iran ; Khayrieh ; Kobra Najjar ; Kobra Rahmanpour ; Soghra Molai ; Fatemeh Pajouh. ; Fatemeh J. ; Ashraf Kolhari ; Shahala ; Sima B. ; Ania ; Sonia ; Amina ; Lena ; Soraya ; Delara Darabi ; Leyla Mafi ; Nazanin Fatehi…



Extrait du livre "Femmes d'Iran", galerie Archype, Anduze. Commande helene.larrive@gmail.com

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Un message de Bep 6, mercredi 20 décembre
Il faut que l'IRAN comprenne que pas un seul homme (ou femme !) n'a le DROIT d'ôter la vie à un de ses congénères !!!! Aucne religion ne l'y oblige d'ailleurs !!!!
9:26 AM



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Editrice et auteur (HBL, "Paroles de femmes" et "L'actualité en blog" ou "Feu rouge clignotant") Site: http://larrive.blogspot.fr